Témoignage d’Imane
Sommaire
- 1 Épisode 1 du Podcast de l’ascenseur social – Imane
- 2 Résumé
- 3 Retranscription complète de l’entretien
- 3.1 Présentation d’Imane
- 3.2 Son milieu social d’origine
- 3.3 Les études
- 3.4 L’orientation
- 3.5 Le financement des études supérieures
- 3.6 L’adaptation aux codes
- 3.7 L’ascenseur social
- 3.8 Les défis rencontrés
- 3.9 L’entourage
- 3.10 Ses conseils pour réussir et prendre l’ascenseur social
- 3.11 Articles similaires :
Résumé
Imane a 23 ans et viens d’Orléans. Elle a décider de réussir et a entrepris des études en droit, malgré les réticences de sa famille.
Ecoutez son parcours, c’est très inspirant !
Retranscription complète de l’entretien
Bienvenue dans le podcast l’ascenseur social
Dans ce podcast nous partons à la rencontre de personnalités inspirantes qui ont pris l’ascenseur social
Vous pouvez retrouver ces témoignages sur le site www.ascenseursocial.org
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Bonne écoute à vous
Présentation d’Imane
Bonjour Imane, est ce que vous pouvez vous présenter ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous dans la vie ?
Je m’appelle Imane, j’ai 23 ans, je suis originaire de la région centre et plus précisément de la ville d’Orléans.
Je suis actuellement en master de droit du numérique et sciences de l’informatique et également juriste en apprentissage dans le domaine de la propriété intellectuelle et la protection des données.
Est-ce que vous pouvez nous dire ce que faisait ou ce que font vos parents ?
Ma mère était employée de pressing et aujourd’hui elle exerce un autre métier, celui d’assistante maternelle
Quant à mon père, il ne travaille pas.
Est-ce que vous aviez des personnes dans votre entourage qui vous ont aidé à prendre l’ascenseur social ?
J’ai étudié dans un établissement qui faisait parti d’une zone d’éducation prioritaire (ZEP). Dans mon lycée, il y avait tout type l’élève qui étaient mélangés ; des très bons élèves comme des personnes un peu moins bonnes à l’école.
J’ai eu notamment une ou deux professeur(e)s qui m’ont donné confiance en me disant que mon travail était pertinent. Elles m’ont fait comprendre qu’il y avait un enjeu derrière l’école, et qu’il fallait je saisisse ma chance en travaillant pour essayer de m’en sortir.
Donc ce sont ces professeur(e)s là qui vous aidé à avoir le déclic pour continuer vos études ?
Oui totalement
Les études
En parlant des études, comment ça s’est passé au collège et au lycée ?
Est-ce que vous pouvez nous raconter les orientations que vous avez prises ? Est-ce que vous étiez une bonne élève ? Une moyenne élève ?
Le collège
Je n’ai jamais ressenti le poids de l’école. J’aimais l’école et je n’avais pas forcément besoin de travailler beaucoup.
Jusqu’à la fin de mon collège, je ne me souviens pas avoir spécialement travaillé. J’avais des facilités, j’étais tout le temps la première ou la deuxième de la classe.
Le lycée
Ça s’est en revanche corsé quand je suis arrivé au lycée, dans un très très grand lycée qui accueille pas mal de formations.
Quand je suis arrivé en seconde, j’ai senti un décalage, pour moi, élève qui a toujours été en zone d’éducation prioritaire, avec des élèves, qui avaient des parents qui étaient un peu plus attentif par rapport à leurs études.
Je me suis vite rendue compte que j’avais des lacunes à combler, ce que j’ai essayé de faire.
Et être le premier des nuls ce n’est pas pareil qu’être le plus nul des forts.
Je n’étais néanmoins pas nulle, j’avais 15,5 de moyenne à peu près.
Mais j’avais un problème avec l’assiduité. Je n’allais pas à l’école et je ne comprenais pas l’intérêt de l’école.
L’établissement m’a donc fait signer un contrat un contrat d’assiduité et de comportement. Bien que selon moi je n’avais qu’un problème d’assiduité et pas de problèmes de comportement.
Au niveau de l’orientation, j’ai demandé à passer en 1ère S (scientifique) car je ne savais pas quoi faire de ma vie. On m’a toujours dit que la filière “S” ouvrait toutes les portes, et que c’est la filière à choisir si je voulais réussir ma vie.
Je suis donc allé en S
Le premier semestre, vu que je n’étais pas habitué à fournir des efforts et à travailler, j’ai eu 11,5 de moyenne.
Un professeur de physique, notamment, m’a dit que je pouvais mieux faire et m’a clairement expliqué que si je ne faisais pas mieux au second semestre, il m’enverrait en filière ES (économique et social)
Le mythe de la filière “S” était très fort dans ma famille, même s’ils n’avaient pas fait d’études. Ils m’ont donc mis la pression pour que je reste en S.
Je me suis mise à travailler et j’ai augmenté ma moyenne jusqu’à 13,5 environ. Ce qui m’a permis de rester en S.
Au final, j’ai eu mon bac avec 11,93 de moyenne et je n’ai pas eu de mention. C’était dû à plusieurs facteurs : mon problème d’assiduité, les coefficients très forts pour les matières scientifiques en S, le fait que je n’aimais pas apprendre les formules et aussi le fait qu’il m’était compliqué de faire des efforts dans des matières que je n’aimais pas vraiment.
Pour toutes ces raisons, je ne pensais pas avoir la bac, beaucoup pensaient de même.
Néanmoins, en regardant les résultats du bac, je me suis rendu compte que j’avais des très bonnes notes en lettres et en sciences humaines (19 en philo, 20 en espagnol…)
Une professeure, la même qui essayait de me faire comprendre l’importance des études, m’a conseillé de postuler pour des formations dans les matières pour lesquelles j’étais douée, en langues ou en sciences humaines.
C’est pourquoi j’ai postulé à un double diplôme en droit et licence de langue en anglais.
L’université
Je suis partie à la faculté de Tours où j’ai pu suivre ce double parcours que j’ai énormément apprécié.
J’ai ensuite voulu parfaire mon anglais, et je suis parti un an aux Pays Bas à “Leiden University” pour faire mon master 1 en droit international européen
J’ai ensuite découvert le monde du numérique, les blockchains etc…et ça m’a beaucoup intéressé.
J’ai donc continué mes études dans un master spécialisé en droit et en informatique
L’adaptation à la fac
Ça a été dur au début à la fac parce que je n’avais pas les codes. Je me suis retrouvé dans un milieu qui ne m’étais pas familier, à côtoyer des personnes venant d’un “autre monde”
Je me suis donc adapté en faisant un peu de mimétisme au début. Et comme je suis assez ouverte d’esprit et que je parle facilement aux gens, j’ai réussi à m’adapter.
Puis, au fur et à mesure des années, j’ai laissé transparaître ma personnalité et je me suis rendu compte qu’être différente c’était aussi une force.
L’orientation
Concernant votre orientation, comment l’avez-vous choisie ? Est ce cette professeure dont vous avez parlé plus tôt qui vous a guidé ? Ou est-ce que vous vous étiez renseigné ailleurs ?
Est ce quelque chose d’assez compliqué l’orientation, notamment quand on ne vient pas d’un milieu qui “connais les codes”, comme vous dites ?
Totalement ! C’est très compliqué.
Mes professeurs voulaient pour la plupart m’orienter en BTS. Ils insistaient sur cette orientation.
Mais en me renseignant, et je remercie internet pour cela, je me suis rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais et que le BTS dont ils me parlaient n’avait pas une bonne insertion professionnelle.
De plus, je voulais faire un métier qui pour moi serait “utile”.
Et pour ne rien vous cacher, au fond de moi, j’ai toujours voulu faire avocate. Je m’auto-censurais beaucoup sur le sujet en me disant que je n’y arriverais pas.
Mais en me renseignant sur le métier sur internet, en regardant des profils, des vidéos et d’autres choses, je me suis rendu compte que finalement, c’était peut être possible.
Je me suis convaincu que je n’étais pas plus bête que les autres et que si d’autres y arrivent, pourquoi pas moi?
C’est donc comme cela que j’ai choisi mon orientation
Le financement des études supérieures
Vous avez parlé de la fac de Tour. Alors que vous veniez d’Orléans, comment avez-vous réussi à financer des études loin de votre domicile ?
Pour moi, les options payantes (écoles privées…) n’étaient pas envisageables, c’était l’université ou pas d’études supérieures.
Et puis je suis l’ainée d’une famille de 5 enfants, et dans cette situation, il est impossible d’aller demander à ses parents qu’ils nous financent les études
Pour financer mes études, j’ai décidé d’anticiper et j’ai à 17 ans passé mon BAFA. J’ai ainsi, dès l’age de 17 ans, pu commencer à travailler comme animatrice et à mettre de l’argent de côté.
Je travaillais comme animatrice durant toutes les vacances scolaires. L’été, je travaillais, en plus du travail comme animatrice, comme femme de ménage le soir.
Toutes ces économies m’ont permis de payer la caution de mon appartement à Tours et de payer ma 1ère année de fac sans avoir à travailler à côté.
J’ai aussi eu une bourse du CROUS, ça m’a aussi bien aidé sur le plan financier.
L’adaptation aux codes
Vous avez aussi parlé de “codes qu’on n’a pas” quand vous êtes arrivé à l’université ? Est ce que vous pouvez nous éclairer sur ses codes ?
Ce sont des codes sociaux, ce que j’appelle des codes sociaux.
Je ne veux pas entrer dans les clichés (que je déteste d’ailleurs) mais quand on est issue de banlieue, on passe facilement pour la petite fille de banlieue qui a réussie …
Je m’inscris en faux contre ces clichés !
Parce que quand on regarde dans les banlieues, dans les quartiers comme on dit, il y a beaucoup de personnes qui sont bourrés de talent et qui réussissent de manière multiples et diverses.
Me concernant je n’avais pas de dons particuliers, donc c’était l’école ou rien pour m’en sortir. On peut dire que j’ai réussi à avoir un diplôme mais pour moi il n’y a pas de réussite particulière…
Concernant les codes, comme je disais, ce sont des codes sociaux. J’avais une manière de me comporter, une manière de parler.
Je me souviens quand je suis arrivé en fac de droit, la première chose qu’on m’a dit, c’est : “quand on te voit on ne sait pas d’où tu viens mais quand tu parles on comprend direct.”
Ça m’a mis la puce à l’oreille. J’ai compris que j’avais une manière de parler et des tics de langage qui dénotent auprès des autres étudiants. Nous ne venions pas du même milieu…
Du coup, j’étais beaucoup sur la réserve. Je ne parlais pas trop au début quand j’étais en cours.
Puis j’ai regardé comment les autres s’exprimaient, je me suis imprégné et je me suis adapté pour ne pas “denoter” et éviter une certaine stigmatisation liée à mes origines sociales.
Je suis persuadé qu’il faut faire preuve d’adaptabilité pour s’intégrer, c’est le maitre mot !
A noté que je n’étais pas la seule dans ce cas, j’ai sympathisé avec une ou deux personnes qui étaient un peu comme moi, ce qui a aussi facilité les choses
Qu’est ce qui selon vous vous a permis de prendre l’ascenseur social?
Prendre l’ascenseur social… pour vous, vous estimez que l’ascenseur social est pris une fois qu’on atteint un certain niveau d’études ? Ou un certain emploi ?
L’ascenseur social, selon son acceptation générale, c’est quand on est d’origine sociale populaire et qu’on atteint le revenu médian. Là, vous n’êtes pas encore dans le revenu médian… mais vous vous allez forcément l’avoir…
J’aspire à ce revenu médian, du moins je l’espère après cinq années à la fac !
Pour revenir à ce que vous disiez sur l’argent. Je dois avouer que ça n’a pas été facile. J’ai parfois dû sacrifier certains de mes résultats à des examens pour aller travailler et mettre un peu d’argent de côté.
Et quand on a un travail à côté, une fois sorti du travail, c’est difficile d’avoir l’énergie pour réviser ses partiels, qui sont parfois très lourd…
Me concernant, j’étais en double parcours, licence de droit et licence de langue, donc le travail était énorme !
Ce n’était pas simple de ne pas se décourager.
Je me motivais et me rassurais en me disant que peu importe le temps que ça prendrait, j’y arriverais.
J’avais un but, un objectif. Et pour l’atteindre, il faut travailler et fournir le travail demandé, tout simplement.
Et si on n’est pas à la hauteur, si on n’a pas les résultats escomptés, il faut être humble et accepter qu’il y ait quelque chose qui n’aille pas chez nous. Et se remettre en question. C’est malheureusement une attitude qui pèche chez beaucoup de personnes. Il faut arrêter de mettre la faute sur les autres et ne pas être dans la victimisation.
Personnellement, en me remettant en question, j’ai beaucoup appris, tant sur moi-même que sur ma manière de travailler.
Il m’est arrivé parfois de ne pas avoir envie de réviser / travailler, d’avoir une baisse de motivation parce que je ne voyais pas arrivé les résultats de suite …
Je me rassurais en me disant : “C’est un investissement à long terme”
Enfin, il faut aussi savoir apprendre pour le plaisir d’apprendre 🙂 et c’est pour cela que j’ai choisi le droit.
Les défis rencontrés
Quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face du fait de votre milieu social d’origine ? Et comment les avez-vous surmontés ?
Au milieu social, je rajouterais les défis auxquels on doit faire face du fait qu’on est une femme.
Quand on est une femme, qu’on est issu de banlieue et qu’en plus on a des origines notamment maghrébines… ce n’est pas simple.
Il faut faire preuve de détermination, de patience et surtout ne pas revoir ses ambitions à la baisse.
Si on a des objectifs, et qu’on veut les atteindre coute que coute, il n’y a pas de raison d’échouer. Bien sûr il y a des facteurs extérieurs… On ne peut pas présumer du futur … peut-être qu’aujourd’hui on va être avocat et que demain on sera magistrat.
Ce que je veux dire, c’est qu’il n’y a aucune raison, mais vraiment aucune raison, de ne pas y arriver si on s’en donne les moyens. Il faut se le répéter en boucle dans sa tête. Car même si on en a assez et qu’on a envie de tout lâcher… on se repose et on reprend.
L’entourage
Comment avez-vous expliqué à votre entourage vos choix d’études ? Et est ce qu’ils les ont compris ?
Dans ma famille, du côté de mon père, ils croyaient beaucoup plus à la filière scientifique car il y a des professeurs et un ingénieur.
Du côté de ma mère, personne n’a fait d’études.
Ils me poussaient donc à faire des études scientifiques.
Sauf que les sciences ce n’étais pas pour moi. Il a donc fallu que je leur explique qu’il n’y avait pas que les sciences dans la vie.
Et puis j’ai assumé mes choix, tout simplement. Je voulais faire du droit et j’ai fait du droit, c’est comme cela et pas autrement.
Je pense que tous les parents devraient être fier que leurs enfants aillent à la fac pour étudier, Quelle que soit la filière.
Mes parents, au début, ils n’ont pas compris car il n’y avais pas de résultat immédiat. Puis en me voyant évoluer et en voyant mes résultats, il ont compris et aujourd’hui ils sont contents.
Quel conseil donneriez vous aujourd’hui à un jeune qui a envie de réussir ?
J’ai un conseil mais il risque de ne pas forcément plaire à certains de nos dirigeants.
Je pense qu’il y a un système et que tout système a des failles
Il n’y a pas besoin de se mettre dans des cases ; pour ma part je ne me suis jamais mise dans une case …
J’ai n’ai pas été major de promotion …
Mais je voyais qu’en faisant preuve de motivation, en parlant d’une certaine manière, je pouvais obtenir ce que je voulais. J’ai donc appris à parler de cette manière-là
J’ai aussi appris à aller demander les informations aux bonnes personnes.
En résumé, je conseille 3 choses :
- Bien s’entourer
- Ne pas hésiter à demander des informations
- Croire en soi. C’est la chose la plus importante … il faut croire en soi parce qu’il n’y aura personne qui y croira à votre place
Il y a beaucoup de personnes qui sont partis de rien et beaucoup se demandent comment elles y sont arrivés … je pense tout simplement qu’elles doivent leur réussite au fait qu’elles ont crus en leur projet, et qu’elles y ont crus jusqu’au bout.
Imane, merci beaucoup pour ce témoignage vraiment très inspirant
On vous souhaite encore une très belle réussite pour tous vos projets futurs
Merci beaucoup
Bravo vous avez écouté cet épisode jusqu’à la fin
Partagez le autour de vous et notez le cinq étoiles sur les différentes plateformes comme itunes, deezer etc… pour le diffuser auprès du plus grand nombre
Si vous souhaitez en savoir plus sur cet épisode, notre invité ou l’association l’ascenseur social
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A bientôt pour un prochain épisode
Prochain épisode : Témoignage de nicolas
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